Cessons de décourager la vocation musicale des enfants

On entend parfois dire que les Français seraient moins « musiciens » que d’autres. C’est tout à fait faux. En France, la demande de musique est énorme. Mais nous sommes le seul pays au monde à proposer un parcours d’apprentissage aussi aberrant. Erigé en bête noire par des générations d’enfants, le solfège y occupe une place démesurée. Non seulement ce système verrouille et castre, mais, de surcroît, il le fait de manière erratique et incohérente.

J’aime les conservatoires. Ces maisons de la musique permettent un apprentissage où l’individuel avance de pair avec le collectif, une des manières les moins onéreuses de pratiquer un instrument auprès de bons professeurs, merveilleux privilège dont tant d’adultes ont le regret. Une faille : l’enseignement du solfège. Désormais appelée « formation musicale » (FM), cette matière mobilise les élèves pour un temps environ 3 fois supérieur à celui de leur cours d’instrument. Elle se compose de deux cycles de cours obligatoires de quatre ans chacun où des hordes d’enfants se rendent sans joie. Trop longs (jusqu’à deux heures hebdomadaires), les cours de formation musicale grèvent l’emploi du temps de l’élève.

L’ineptie des contenus est effarante. Des écoliers du primaire planchent durant des séances entières sur des partitions d’orchestre ou des qualifications d’intervalles. Or, ce type de connaissances ne correspond pas à leur évolution psychique : ce qu’un grand adolescent assimilerait en quelques séances, aucun enfant ne le comprend. Au mieux, il les apprendra par coeur. Au pire, elles le dégoûteront à jamais de la musique.

Cette intellectualisation précoce est d’autant plus pernicieuse qu’elle fait perdre de vue les paramètres élémentaires : rythme, lecture, chant. On invente alors des systèmes de soutien, censés pallier l’indispensable travail de base, non effectué en cours, qui ponctionnent encore davantage le temps de l’enfant… tout cela pouraligner deux croches noires !

Trop de cours ont des contours flous. Il en résulte un stress diffus, notamment pour les familles qui n’ont aucun moyen de suivre leur progéniture. Un épisode insolite s’est déroulé au conservatoire Frédéric-Chopin (Paris 15e). Après un temps de préparation fort bref, un enfant de 10 ans poursuit à l’oral son « parcours de lecture » en clé de sol sans prendre garde au changement de clé. Au lieu de l’interrompre pour lui signaler son erreur, le jury le laisse terminer puis divise sa note par deux comme s’il était entendu qu’il ne savait pas lire la clé de fa. Or cet élève pratique le violoncelle depuis plusieurs années (un instrument qui se lit en clé de fa). Directeur et conseiller aux études, pourtant avertis, n’y trouvent rien àredire.

Après quelques années d’un tel régime, on comprend mieux la fonte massive des élèves. En juin, le tableau d’affichage apposé dans le hall de ce même conservatoire recense 105 enfants à l’examen de fin de premier cycle et 71 reçus, soit un taux d’échec proche des 30 %. L’année suivante, ils ne sont plus que 49 candidats et, quatre ans plus tard, en fin de second cycle, il n’en reste que… 27, à peine plus du quart, dont certains ont déjà entamé leurs études supérieures !

Aucune précision quant au détail des notes et des compétences évaluées. Un mot : maintien ou passage, assorti d’une litanie hallucinante de commentaires, tous négatifs. On chercherait en vain l’ombre d’un encouragement. Dans un lieu fréquenté par la fine fleur des élèves en termes d’écoute et d’investissement, on reste pantois devant ce formidable gâchis. Files d’attente interminables ou réseaux téléphoniques saturés dès l’ouverture des inscriptions disent un fort désir de musique. Que devient le beau vivier d’amateurs qui manifeste son adhésion à travers des déplacements souvent trihebdomadaires ?

Un audit des conservatoires parisiens a eu lieu récemment. Axé sur des aspects comptables, sociologiques et organisationnels, un rapport d’avril 2010 relève qu’un professeur de FM comptabilise moins d’élèves que ses collègues et préconise… le remplissage de la classe. On oublie de préciser que la demande concerne l’apprentissage d’un instrument et non la FM. Le secret ? Celui-là même qui résume toute pédagogie de l’enfant : être exigeant sur du court. Le travail auprès des professeurs d’instrument (vingt minutes en début de cycle) en fournit un remarquable exemple.

Trois objectifs : 1. L’allégement des horaires de formation musicale : une heure hebdomadaire maximum en 1er cycle, une heure et demie hebdomadaire maximum en 2nd cycle. 2. La simplification des contenus : un cours clair et limitatif, une pratique régulière (non évaluée) du déchiffrage, des devoirs légers comportant une petite part d’écriture, la vérification du travail donné, celle des cahiers qui repartent dans les maisons. 3. Des examens axés sur la réussite de l’élève : mal conçues, certaines épreuves déstabilisent de bons élèves au lieu de leur permettre d’exprimer leur talent, créant d’inutiles souffrances. Assiduité, chant et rythmes préparés devraient garantir le passage dans la classe supérieure. La formation musicale doit soutenir et non parasiter un art qui, à l’âge des enfants, se vit avant de se penser.

 

Murielle Radault, professeur d’éducation musicale, mère d’élèves

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Analyse d’un corpus d’apprentissage multimodal (Questions méthodologiques )

Travaille sur la gestuelle coverbale

La mise en évidence de règles de cadrage affectif aux côtés des règles de cadrage cognitif,
ainsi que les notions de travail émotionnel et de contrôle social, ouvrent des pistes
intéressantes en permettant de mieux situer la participation des éléments non verbaux dans le
déroulement des interactions sociales.

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